Le jardin vivant

Qui a dit que les plantes sont immobiles ?

Il y a les plantes qui se ressèment.

Et il y a les plantes qui se déplacent.

Les sauvages qui s’imposent, indociles.

Les arbres qui apparaissent à l’improviste.

Les inconnues échappées de nulle part.

D’autres qui collaborent et restent sur le lieu attribué.

Jardin plutôt anglais que français

En 15 ans j’ai dû amadouer  toutes les tendances et adapter les plates-bandes en fonction de ces caractéristiques.

Si je me souviens bien ce sont les monardes et les menthes qui ont parti le bal ou qui ont enclenché la stratégie de l’évitement, la valse.  Les plants formaient d’abord  un beau cercle concentré.  D’années en années, le cercle s’agrandissait puis plus rien au milieu.  Ça a l’air fou !  Quessé ça ?

Les pensées sauvages me font sourire.  Elles s’invitent où bon leur semble, coquines et agréables.  Elles adorent se retrouver dans mes salades.  Ou c’est moi qui les aime.   Possible.

Un unique  plant de clématite, lui, couvre des mètres et des mètres en largeur et en hauteur, sans jamais se ressemer.  Incroyable !

La verveine hastée est vivace mais elle a besoin d’un peu d’aide pour ne pas disparaître.  De l’air à ses pieds.

Les pavots sont tellement beaux.  Allez, pavanez-vous !

 

Lors des premières années d’implantation, les roses trémières repoussaient sur les pieds de l’année précédente.  Bien sagement.  Puis tout a basculé !  des plants ne repoussaient plus et d’autres se montraient n’importe où en dehors des plates-bandes ou des zones initiales.  J’aime tellement ces belles que soit je fais le tour avec la tondeuse ou même je les laisse grandir dans les allées…..et je me contorsionne pour passer.

Les mauves musquées et les mauves sylvestres ont un comportement semblable, mais en  multiples doses !  Elles poussent vraiment partout et n’importe où sur le terrain.  Rien ne les rebute.  Celles-là j’ose en arracher, surtout les toutes jeunes pousses facilement reconnaissables.  Si je laissais faire, ça pourrait devenir un genre de monoculture à la grandeur de mon terrain.

 

Quoi que….

Les énergiques

Y’en a plusieurs comme la valériane, le cerfeuil musqué et la consoude (par ex.) qui ne se gênent pas du tout pour essayer tous les sols et toutes les orientations par rapport au soleil, au vent, à la lune ?

Je songe même à les supprimer au complet de mes plates-bandes vu que je les retrouve en quantité en périphérie.  C’est ce qui est arrivé aux carottes sauvages.  Elles ne s’en plaignent pas.

Le thym, lui, agrandit sans cesse son beau tapis aromatique.  Et les bourdons s’en délectent  tout l’été.

Ai-je eu l’idée saugrenue d’implanter du houblon dans une plate-bande au début de mes expériences « jardiniques ».  Une personne aimable (une collègue herboriste de passage) m’a imploré d’enlever ça le plus vite possible !

Bien que j’aie théoriquement réussi à déraciner la motte après des efforts assez corsés, eh ben il sort tout de même à environ 20 pieds de son lieu d’origine, ses stolons semblant courir sous la terre.  Je devrai me remettre à la tâche, semble-t-il.

Mon terrain se trouve en forêt.  Le bénéfice est que des dizaines de plantes sauvages et médicinales s’invitent « chez moi ».  Cherchez l’inconvénient ?  Ça va et ça vient où ça veut.  Je n’ai rien à dire, aucun contrôle de ma part, aucune collaboration de leur côté.  Je ne peux que tondre ou arracher.

Mon terrain se situe aussi en montagne.  L’été est court et le froid se pointe tôt.  Plusieurs désirables et délicieuses ne se plaisent pas ici.  J’en fais mon deuil.

Est-ce que je vous ai parlé du chiendent ?  Il y tient, à son territoire, lui !  C’est du solide.  Rien ne lui résiste, il recouvre tout.  Ses racines courent à gauche et à droite, en surface et en profondeur, à travers les autres racines.  Impossible de l’éradiquer.

Saveur de créativité et de défis

Bien que sans bouches et sans sons, ces plantes parlent.  Elles accueillent le Grand Tout le plus naturellement du monde.

Au bout du compte j’ai tout ce qu’il faut autour de moi pour me forcer à travailler sans relâche et apprendre à lâcher prise, tout ça simultanément.

À petite échelle j’expérimente que l’idée de maîtriser la nature est illusoire.

Mon jardin est la fois petit et vaste.

Concentré dans un espace défini à vue d’œil.

Il dépasse ce que mon imagination aurait cru possible il y a vingt ans.  C’est une aventure fantastique de créer à  mains de femme sur cet immense terrain de jeu.  Ça dépasse le cadre d’une toile à peindre, par exemple.

J’y exerce ma force physique, ma créativité et mon sens pratique.  Il me nourrit et me donne contact avec plus grand que moi, me met au défi.

Si je n’y prends garde, il peut aussi devenir une prison.  Ici le perfectionnisme n’a pas sa place.

Quelle richesse dans ma vie.  Ça fait cliché, mais GRATITUDE.

Aux novices je dirais de faire un plan de base de leur jardin médicinal puis

  • L’implanter
  • Résister un peu (pas trop pour ne pas s’épuiser)
  • Laisser faire (un peu)
  • S’émerveiller de voir où les plantes s’implantent naturellement
  • Observer tout ce qui se passe, l’énergie des lieux hyper vivants
  • Le désherbage est quand même important pour conserver les plantes plus fragiles ou plus sensibles à l’envahissement si on désire les utiliser en cuisine ou médicinalement.

 

Hors plates-bandes je reconnais les plantules du lierre terrestre, de la brunelle, les marguerites, les fameuses mauves, etc et je les laisse pousser jusqu’au bon moment pour la récolte.  En attendant je fais le tour avec la tondeuse.

Drôle d’allure pour le terrain, mais c’est ma façon.  Au récent colloque de la Guilde des herboristes, j’ai ouïe dire que je ne suis pas la seule herboriste à agir de la sorte….  Certains conjoints ont intérêt à voir clair au guidon.

Conception du jardin vivant

Mon jardin est vivant et il danse.  Le magnifier est un art jamais acquis.  Jamais, ici.

Sa chorégraphie cultive chez moi un état d’esprit inventif et collaboratif.  C’est une exigence du métier d’herboriste.    Les surprises et les étonnements consacrent la belle part au renouveau.

Émerveillement, déception, travail acharné et liberté sèment mes journées.  Absence d’ennui certifié.

La  nature est une artiste grandiose.  Poursuivant inlassablement sa vocation.

Je cours après mon jardin, il ne s’arrête jamais.  Qui a dit que les plantes sont immobiles ?

D’autres conseils de culture adaptée

  • Évitez de répartir vos calendules (et autres plantes) à 10 endroits différents – au début je faisais ça, et au moment de la récolte je courais à gauche et à droite pour les retrouver.
  • Ajustez les allées en fonction d’où poussent les plantes que vous désirez
  • Laissez-vous captiver par les couleurs, les textures et les formes de vos amies et les insectes qui les butinent
  • Soyez fasciné par la présence d’innombrables oiseaux mis en appétit par les graines et les fruits mûrs
  • Lâchez prise plus souvent
  • Amusez-vous – ne soyez pas trop sérieux
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